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Fauré - Le jardin clos

Le jardin clos

Fauré (1914)

L'exaucement

Alors qu'en tes mains de lumière
Tu poses ton front défaillant,
Que mon amour en ta prière
Vienne comme un exaucement.

Alors que ta parole expire
Sur ta lèvre qui tremble encor,
Et s'adoucit en un sourire
De roses en des rayons d'or;

Que ton âme calme et muette,
Fée endormie au jardin clos,
En sa douce volonté faite
Trouve la joie et le repos.

Quand tu plonges tes yeux...
Quand tu plonges tes yeux dans mes yeux,
Je suis toute dans mes yeux.

Quand ta bouche dénoue ma bouche,
Mon amour n'est que ma bouche.

Si tu frôles mes cheveux,
Je n'existe plus qu'en eux.

Si ta main effleure mes seins,
J'y monte comme un feu soudain.

Est-ce moi que tu as choisie?
Là est mon âme, là est ma vie.

La messagère

Avril, et c'est le point du jour.
Tes blondes sœurs qui te ressemblent,
En ce moment, toutes ensemble,
S'avencent vers toi, cher Amour.

Tu te tiens dans un clos ombreux
De myrte et d'aubépines blanches:
La porte s'ouvre sous les branches;
Le chemin est mystérieux.

Elles, lentes, en longues robes,
Une à une, mains dans la main,
Franchissent le seuil indistinct
Où de la nuit devient de l'aube.

Celle qui s'avance d'abord
Regarde l'ombre, te découvre,
Crie, et la fleur de ses yeux s'ouvre
Splendide dans un rire d'or.

Et, jusqu'à la dernière sœur,
Toutes tremblent, tes lèvres touchent
Leurs lèvres, l'éclair de ta bouche
Éclate jusque dans leur cœur.

Je me poserai sur ton cœur...

Je me poserai sur ton cœur
Comme le printemps sur la mer,
Sur les plaines de la mer stérile
Où nulle fleur ne peut croître,
A ses souffles agiles,
Que des fleurs de la lumière.

Je me poserai sur ton cœur,
Comme l'oiseau sur la mer,
Dans le repos de ses ailes lasses,
Et que berce le rhythme éternel
Des flots et de l'espace.

Dans la nymphée

Quoique tes yeux ne la voient pas,
Pense, en ton âme, qu'elle est là,
Comme autrefois divine et blanche.

Sur ce bord reposent ses mains.
Sa tête est entre ces jasmins;
Là, ses pieds effleurent les branches.

Elle sommeille en ces rameaux,
Ses lèvres et ses yeux sont clos,
Et sa bouche à peine respire.

Parfois, la nuit, dans un éclair
Elle apparait les yeux ouvertes,
Et l'éclair dans ses yeux se mire.

Un bref éblouissement bleu
La découvre en ses longs cheveux;
Elle s'éveille, elle se lève.

Et tout un jardin ébloui
S'illumine au fond de la nuit,
Dans le rapide éclaire d'un rêve.

Dans la pénombre

A quoi, dans ce matin d'avril,
Si douce et d'ombre enveloppée,
La chère enfant au cœur subtil
Est-elle ainsi toute occupée?

Pensivement, d'un geste lent,
En longue robe, en robe à queue,
Sur le soleil au rouet blanc
A filer de la laine bleue.

A sourire à son rêve encor,
Avec ses yeux de fiancée,
A travers les feuillages d'or,1
Parmi les lys de sa pensée.

Il m'est cher, Amour...

Il m'est cher, Amour, le bandeau
Qui me tient les paupières closes,
Il pèse comme un doux fardeau
De soleil sur de faibles roses.

Si j'avance, l'étrange chose!
Je parais marcher sur les eaux;
Mes pieds plus lourds où je les pose,
S'enfoncent comme en des anneaux.

Qui donc a delié dans l'ombre
Le faix d'or de mes longs cheveux?
Toute ceinte d'étreintes sombres,
Je plonge en des vagues de feu.

Mes lèvres où mon âme chante,
Toute d'extase et de baiser
S'ouvrent comme une fleur ardente
Au-dessus d'un fleuve embrasé.

Inscription sur le sable

Toute, avec sa robe et ses fleurs,
Elle, ici, redevint poussière,
Et son âme emportée ailleurs
Renaquit en chant de lumière.2

Mais un léger lien fragile
Dans la mort brisé doucement,
Encerclait ses tempes débiles
D'impérissables diamants.

En signe d'elle, à cette place,
Seules, parmi le sable blond,
Les pierres éternelles tracent
Encor l'image de son front.


Charles van Lerberghe

1The poet has "A tresser les feuillages d'or" meaning "in tressing the golden foliage".
2The poet has "en chant et lumière" meaning "in song and in light".

The concealed garden

 

The fulfilment

Even as, in your luminous hands,
you rest your faint head,
into your prayer may my love
come like a fulfilment.

Even as your speech is expiring
on your lip which trembles still,
and softens in a smile
of roses in rays of gold;

may your calm and silent soul,
fairy asleep in the closed garden,
made in its sweet whim
find joy and rest.

When you plunge your eyes...
When you plunge your eyes into my eyes,
I am all in my eyes.

When your mouth unties my mouth,
my love is only my mouth.

If you caress my hair,
I then cease to exist except in them.

If your hand brushes over my breasts,
I rise there like a sudden fire.

Is it me that you have chosen?
There is my soul, there is my life.

The messenger girl

April, and it is the break of day.
Your blond sisters who resemble you,
at this moment, all together,
advance towards you, dear Love.

You keep yourself in a shady enclosure
of myrtle and white hawthorn:
the door opens beneath the branches;
the path is mysterious.

Slowly, in long dresses,
one by one, hands in hand,
they cross the veiled threshold
in which some night becomes dawn.

The one who advances first
looks at the shadow, discovers you,
cries out, and the flower of her eyes opens,
magnificent, in a golden laugh.

And, up to the last sister,
all tremble, your lips touch
their lips, the spark of your mouth
bursts right into their heart.

I shall alight on your heart...

I shall alight on your heart
like the springtime on the sea,
on the plains of the sterile sea
where no flower can grow,
to these agile gusts,
other than the flowers of light.

I shall place myself on your heart,
like the bird on the sea,
when resting of its weary wings,
and which is rocked by the eternal rhythm
of the waves and the space.

In the nymphæum

Even though your eyes don't see her,
think, in your soul, that she is there,
as before, divine and pale.

Upon this edge rest your hands.
Her head is between these jasmines;
there, her feet brush against the branches.

She slumbers among these boughs,
her lips and her eyes are closed,
and her mouth hardly breathes.

Sometimes, at night, in a spark
she appears with open eyes,
and in her eyes the spark is reflected.

A brief blue glare
reveals her in her long hair;
she wakes up, she rises.

And a whole dazzled garden
lights up in the depth of the night,
during the quick spark of a dream.

In the penumbra

In doing what, on this April morning,
so sweet and wrapped in shade,
is she, the dear child
with the subtle heart, thus occupied?

Pensively, with a slow gesture,
in a long dress, in a trailing dress,
on the white wheeled sun
in spinning blue wool.

in still smiling of her dream,
with her fiancée's eyes,
through the golden foliage,
amidst the lilies of her thought.

It is dear to me, Love...

Love, the blindfold which holds
my eyelids closed is dear to me,
it weighs like a sweet burden
of sun on week roses.

If I advance, strange thing!
I seem to walk on the waters;
wherever I tread them my heavier feet
sink in as though into rings.

Who then, in the shade, has untied
the golden weight of my long hair?
Girded by sombre clasp,
I plunge into waves of fire.

My lips where my soul sings,
of ecstasy and kisses
open like an ardent flower
above a blazing river.

Inscription on the sand

All, with her dress and her flowers,
she, here, became dust again,
and her soul transported elsewhere
was born again in song of light.

But a light, fragile, bond
in death gently crushed,
encircled her debilitated temples
with imperishable diamonds.

In a sign from her, at this place,
alone, among the blond sand,
the eternal stones still outline
the image of her brow.

© translated by Christopher Goldsack

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